Administrateur depuis 2007 du Conservatoire, Antoine Jacobsohn, adjoint à la directrice de l’Ecole nationale supérieure de paysage et en charge du Potager du Roi, nous dévoile son parcours et sa vision des relations entre l’histoire des plantes et les pratiques contemporaines de production et de consommation.
Qu’est ce qui t’a amené à t’intéresser aux plantes ?
Les plantes sont arrivées dans ma vie pour deux raisons bien distinctes : en premier lieu, je suis un enfant de banlieue, je ne suis pas de la campagne. J’ai quatre ans et un jour de vacances d’été, je découvre que j’ai une verrue sur ma main gauche. Le voisin guérisseur utilisa de la Grande Chélidoine pour faire disparaître la verrue. Et c’est comme ça que j’ai pris conscience des plantes autour de moi, de nous.
La deuxième raison, et non des moindres, de mon intérêt pour elles: j’aime les manger !
Quel a été ton parcours professionnel et quelles sont actuellement tes missions au Potager du Roi ?
Mon parcours professionnel est très varié. J’ai commencé par des études d’Agronomie à Cornell University (New York, USA) mais je me suis toujours intéressé à l’Histoire. J’ai poursuivi ma formation en France en travaillant sur l’histoire de la consommation alimentaire à l’Université Paris VIII (Vincennes à Saint-Denis) et à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. En même temps, j’ai participé à l’inventaire du patrimoine culinaire français. J’ai travaillé dans un écomusée en banlieue nord de Paris avant de devenir responsable de la bibliothèque de la Société Nationale d’Horticulture de France. Grâce à ces expériences, j’ai réalisé que manger était un acte qui a des effets et des conséquences ; c’est un acte agricole, comme le dit Wendell Berry, un penseur américain. Mon parcours professionnel se caractérise par des séries de rencontres : de vieux livres, des responsables de musées, un voisin ou encore une famille d’agriculteurs qui m’ont relié à cette passion de manger. Le tout m’a amené à me spécialiser sur les jardins à vocation culinaire.
C’est ainsi que le 1er avril 2004, j’ai commencé en travail au Potager du Roi, où je suis devenu responsable du site en 2007 et ce jusqu’en 2019. Je suis à présent adjoint à la directrice de l’Ecole de Paysage et mes responsabilités sont transversales. J’effectue le suivi de la conservation et des travaux de restauration du site. Je travaille également en collaboration avec les enseignants pour que le jardin soit pleinement intégré dans la formation des paysagistes-concepteurs, ainsi que d’autres formations.
Le Potager du Roi est un jardin intime et public à la fois, témoignage du rapport entre le jardin et l’agriculture !
Pourquoi as-tu voulu devenir administrateur du CNPMAI ?
A l’ère de l’expansion de la monoculture, la diversité devrait être la règle. Les plantes médicinales en constituent un parfait exemple. Cette notion de soin de l’espace et de l’environnement, le soin des êtres vivants aussi bien animaux que végétaux, se soigner par elles, me semble primordiale.
J’ai ensuite toujours été particulièrement investi dans la conservation des ressources génétiques. La diversité au sein d’un même genre me fascine comme tout le processus de conservation qui s’ensuit.
Il y a également des intérêts pour le Potager du Roi que je représente : c’est un site de 9.4 hectares dont 8 sont mis en culture. Je suis intéressé par la diversité de choix proposés des cultivars de romarins et de basilic qui témoignent de la diversité des PPAM. Les PPAM sont des plantes à forte valeur ajoutée, il y a donc un aspect pratique et économique pour les valoriser à la vente sur le site.
Enfin, à travers mon travail d’historien je m’intéresse à la vie locale et aux savoir-faire traditionnels de Milly-la-Forêt. J’ai rencontré Luc Darbonne et Léon Van Niekerk, respectivement responsable de la Société et responsable de la Recherche agricole chez Darégal. J’ai pu visiter le site en 2005, ce qui m’a rappelé l’histoire et la progression des maraîchers parisiens. De plus, les PPAM sont riches d’histoires spécifiques et Milly-la-Forêt est une ville exemplaire sur cet aspect. Au Potager du Roi, tout a une histoire, mais tous les jardins ont une histoire spécifique aussi longue et caractéristique que celle du Potager. Il en va de même pour le jardin du Conservatoire.
Comment fais-tu le lien entre les plantes médicinales et le monde du paysage ?
Les notions de paysage restent conceptuelles en fonction des continents. Je pense qu’il y a un lien relevant du microcosme (image réduite du monde, de la société) et du macrocosme (le cosmos, l’univers), c’est-à-dire que le jardin représente le tout, tout en étant petit à la fois, or c’est la même chose pour les plantes médicinales : le paysage est le point de départ mais également le point d’arrivée. On devrait donner autant de soin et d’attention au paysage qu’aux plantes.
As-tu une plante ou une famille de plantes préférée parmi les PPAM ?
Tous les étés, je pars dans les Pyrénées passer une semaine où je touche les différents thyms à longueur de journée ! J’adore cette rencontre annuelle avec cette espèce sentant parfois des notes de citron ou d’autres fois le fenouil. A plus grande échelle, je dirais les Lamiacées car, comme évoqué précédemment, j’aime les plantes qui se mangent !