Une conduite des cultures plus respectueuse des sols
Le travail du sol régulier et profond fait partie intégrante des itinéraires culturaux pratiqués en France, en agriculture biologique et conventionnelle. Ce travail est utile tant pour préparer le sol à accueillir les semis que pour gérer les adventices en cours de culture (faux semis, préparation du lit de semences, plantation, entretien de la parcelle, destruction de la culture…). Cependant, il présente deux désavantages : un coût (temps de passage et carburant), et un tassement du sol qui nuit à sa structure et à sa microfaune. C’est dans ce contexte qu’émerge il y a plusieurs dizaines d’années la technique de plantation sur planches permanentes.
Un peu d’histoire
Cette technique émerge en Allemagne vers 1950 sur l’exploitation céréalière de Manfred Wenz (2), agriculteur conventionnel, qui observe que ses sols se dégradent : baisse de rendement, changement de structure du sol, résistance des adventices, etc. Il constate que ces difficultés sont dues à un enfouissement trop profond de la matière organique qui n’est donc plus disponible pour la plante, et que la vie du sol est systématiquement perturbée. Il adopte alors la méthode « KEMINK », travail du sol sans retournement, outils à dent privilégiés et travail progressif des parcelles. En 1979, se rendant compte que cette méthode est très bénéfique pour le sol mais qu’elle demande beaucoup de temps, il garde ces grands principes mais il raréfie ses passages et utilise d’autres outils pour mieux contrôler la profondeur de travail de son sol.
La technique sera reprise dans les années 90 par un maraîcher, Hubert Mussler, qui améliore cette technique avec l’utilisation de buttes en planches permanentes comme présenté précédemment (1).
Et en pratique ?
Le principe : conserver en permanence, d’une année sur l’autre, les passages de roues du tracteur et les passe-pieds des producteurs pour améliorer le sol de culture tout en rationnalisant le travail de celui-ci. En pratique, on va garder des passages de roues au même endroit, entretenus et non travaillés, ne pas labourer le sol en effectuant uniquement des passages superficiels avec des outils à dents ou à disques (travail sur 10 cm de profondeur maximum), tout en apportant de la matière organique type paillage, mulch, compost ou encore déchets verts. Cette technique est souvent combinée à la technique de plantation sur buttes, lorsque les cultures le permettent, ce qui permet d’augmenter la surface de plantation, de mieux délimiter les passe-pieds, d’améliorer l’écoulement de l’eau sur la planche et un réchauffement précoce du sol au printemps (2).
Des études menées dans toute la France
L’ADABio et le Serail ont coordonné un projet CASDAR en 2001 (3) avec des essais comparatifs de planches permanentes et classiques, sur des sites expérimentaux ou maraîchers se situant dans le Nord-Pas-de-Calais, le Poitou-Charentes, et sur la station expérimentale de l’AdaBio. Différentes observations ont été faites entre 2001 et 2006 notamment sur les temps de travaux, les rendements, le comportement agronomique des espèces et la fertilité des sols (physique, chimique et biologique). Cet essai sera complété par l’ITAB avec le CASDAR SolAB entre 2009 et 2011 (4).
D’après les études menées, les avantages de cette technique seraient multiples. Elle permettrait principalement une diminution du tassement du sol, engendrant ainsi une amélioration de sa structure, en augmentant sa porosité. Cela faciliterait l’exploration racinaire, tout en favorisant la faune et les microorganismes, ce qui aurait des répercussions positives sur les rendements. La technique permettrait aussi de rationaliser les coûts de matériel et de passages de travail du sol car ils sont non systématiques et effectués au moment le plus opportun pour le sol et l’espèce présente. De plus, avec cette méthode, le travail planche par planche devient possible ce qui permettrait un gain de temps, une meilleure gestion des rotations et donc une meilleure organisation au sein de la structure. Cependant ces avantages restent difficiles à quantifier, et sont relevés principalement d’après les retours d’expérience des producteurs.
La principale difficulté posée par cette technique réside dans la difficulté à maîtriser correctement les adventices.
Cette technique est plus répandue en maraîchage que dans les autres cultures (1) (2) (3). Elle semble également, d’après les retours de certains de nos clients producteurs, émerger dans les cultures de Plantes Aromatiques et Médicinales, comme ici au Conservatoire.
Références bibliographiques :
(1) ADABio, 2012, Guide de l’autoconstruction – Outils pour le maraîchage biologique. p. 94 à 105 : « Petite histoire Les Planches permanentes ».
(2) FRAB Midi-Pyrénées, Fiche n°5 Planches permanentes en Maraîchage
(3) ADABio et SERAIL, 2006, Travail du sol en planches permanentes – Bilan de 6 années d’essai
(4) Itab, 2012, Réduction du travail du sol et évaluation de la fertilité des sols : le projet SolAB