A l’occasion de la Newsletter d’avril, nous vous proposons de faire un focus sur les techniques de protection intégrée, techniques que nous essayons depuis 2 ans au Conservatoire afin de gérer nos plantes des pathogènes et prédateurs tout en essayant au mieux de respecter la nature et les équilibres naturels.
La protection intégrée est définie par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation internationale de lutte biologique (OILB) comme la « conception de la protection des cultures dont l’application fait intervenir un ensemble de méthodes satisfaisant les exigences à la fois écologiques, économiques et toxicologiques en réservant la priorité à la mise en œuvre délibérée des éléments naturels de limitation et en respectant les seuils de tolérance ». Le 1er groupe de travail européen sur la protection intégrée a été créé en 1959 avec pour objectif de promouvoir cette pratique consistant à prendre en compte toutes les méthodes de protection des plantes disponibles.
Depuis, certains concepts de protection des cultures se sont développés et étoffés depuis quelques années : le biocontrôle, la lutte biologique, la protection intégrée et la protection biologique intégrée (« PBI »).
La lutte intégrée ou protection intégrée résulte de « la combinaison des mesures biologiques, chimiques, physiques, culturales ou génétique (par l’emploi de variétés résistantes par exemple) pour maintenir la présence des organismes nuisibles en dessous de seuil à partir duquel apparaissent des dommages ou une perte économique trop importante pour les agriculteurs » (définition de la directive communautaire 91/414/CEE du 15 juillet 1991).
La protection intégrée est donc un concept global regroupant un ensemble très varié de pratiques ayant le même objectif de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires dangereux.
Le biocontrôle est l’ensemble des méthodes de protection des végétaux s’appuyant sur l’utilisation de mécanismes naturels (INRAE). Ces méthodes ont en commun de résulter de la connaissance des interactions entres les plantes, les bio agresseurs et tous les autres organismes vivants du milieu, d’utiliser la régulation naturelle entre tous ces êtres vivants et de faire appel à des agents vivants ou issus du vivant pour la protection des cultures par la mise en place de mesures directes ou indirectes (Groupe de Travail Biocontrôle, Académie d’Agriculture de France, 2016).
La lutte biologique fait partie des méthodes de biocontrôle et se base sur l’utilisation d’autres organismes vivants, les auxiliaires. Elle se distingue de l’agriculture biologique, qui englobe, elle, le mode de production global d’un agriculteur, et qui est liée à un cahier des charges et donc à une certification. La lutte biologique a pour objectif de protéger les cultures en se basant sur la gestion des équilibres naturels entre les espèces. On va chercher à contrôler ces équilibres de populations et non pas à éradiquer un ravageur ou encore à favoriser l’apparition d’auxiliaires naturels en créant par exemple des zones refuges (EcophytoPIC, 2019).
Les différents outils du biocontrôle sont classés selon 4 familles (INRAE) :
- Les macro-organismes comme les insectes, les acariens ou encore les nématodes ;
- Les micro-organismes tels que les champignons, les bactéries ou les virus ;
- Les médiateurs chimiques dont l’exemple le plus connu sont les phéromones
- Les substances d’origine naturelle
Ces outils vont permettre entre autres de contrôler les populations de bio-ravageurs afin de les maintenir à un seuil tolérable. Les fonctionnements des organismes ou substances utilisés en biocontrôle peuvent être très différents et leur mise en place doit être surveillée.
On peut citer comme 1er exemple de biocontrôle l’utilisation de phéromones pour lutter contre certains lépidoptères dans les vergers ou les vignes. Cette technique de confusion sexuelle consiste à diffuser en grande quantité au sein de la parcelle des phéromones femelles. Lors de la période d’accouplement, les mâles seront désorientés par ces odeurs, ne trouveront pas les femelles pour s’accoupler ce qui limitera alors la ponte et donc l’augmentation de la population des ravageurs. Cette méthode assez efficace a l’avantage d’être sélective et de ne pas perturber l’entomofaune de la parcelle (F. Berger, 2020).
Pour lutter contre les pucerons en utilisant les auxiliaires, 2 stratégies peuvent être mise en place. Au début de saison, lorsque les populations de pucerons ne sont pas trop importantes, il est possible de faire des lâchers de parasitoïdes : dans le cas du puceron, il s’agit d’hyménoptères qui vont pondre dans le puceron et qui vont être capables de faire leur cycle de vie à l’intérieur de celui-ci. Ils forment des « momies », c’est-à-dire que le puceron gonfle et que la cuticule devient rigide. Ces auxiliaires sont très spécifiques et chacun s’attaque à un type de puceron particulier.
Lorsque l’infestation est trop importante, il est possible d’utiliser en curatif des prédateurs qui vont se nourrir des pucerons. Il s’agit souvent d’insectes polyphages de la famille des coccinelidae, syrphidae ou encore celle des cecidomyiidae (Lascaux, 2010).
Dans le milieu agricole, il est donc possible d’agir à l’échelle de la parcelle, en observant son environnement et en connaissant les organismes qui y vivent afin d’adopter la bonne stratégie. Cependant, ces concepts doivent aussi s’appliquer à une échelle plus importante pour favoriser les populations d’auxiliaires naturels et réussir à trouver les équilibres permettant à ces auxiliaires de jouer leurs rôles dans la protection des cultures agricoles sans avoir à faire des lâchers spécifiques.
Cela peut passer par exemple par les associations de cultures, la mise en place de plantes de service ou plantes compagnes, et par une agriculture plus diversifiée. En effet, une agriculture extensive est généralement plus favorable au développement des auxiliaires et donc à une diminution des populations de bio-ravageurs (Tricault, 2010).
Au Conservatoire, nous allons utiliser pour la 2ème année consécutive des lâchers d’auxiliaires. Nous les utilisons principalement pour diminuer les populations de pucerons dans les tunnels de production et pour lutter contre d’autres bio ravageurs présents dans les serres de conservation des ressources botaniques tropicales.
Les résultats obtenus l’année dernière par des lâchers effectués au mois de mai ont été très satisfaisants. Nous avons été conquis par cette technique sans danger et très simple d’utilisation.
En effet, les acariens présents sur certains pieds mères dans notre serre tropicale ont disparu en une semaine et nous n’avons plus observé de piqures pendant le reste de la saison. Concernant les pucerons, la population a été correctement régulée au moment du lâcher mais nous avons à nouveau observé des populations importantes en cours de saison. Cela nous a conduit cette année à anticiper les lâchers d’auxiliaires pour ne pas avoir à faire d’interventions curatives. Nous prévoyons également de faire plusieurs lâchers jusqu’à la fin du mois de mai afin de maintenir un équilibre acceptable pendant tout le printemps.
A cela s’ajoutent bien sûr des mesures prophylactiques en continu telles que la désinfection des outils ou la surveillance visuelle. Nous envisageons également l’implantation de bandes de plantes hôtes pour les auxiliaires pour favoriser le développement de leur population.
Bibliographie
EcophytoPIC. (2019, décembre 12). Lutte biologique. Récupéré sur https://ecophytopic.fr/proteger/lutte-biologique
- Berger, P. D. (2020, mars 13). Confusion sexuelle. Récupéré sur EcophytoPIC: https://ecophytopic.fr/proteger/confusion-sexuelle
Groupe de Travail Biocontrôle, Académie d’Agriculture de France. (2016). Biocontrôle en Protection des cultures : périmètre, succès, freins, espoir. Paris.
INRAE. (s.d.). Agriculture compétitive et durable : les apports croissants du biocontrôle.
Lascaux, E. (2010, décembre 14). Lutte biologique contre les pucerons : auxiliaires, stratégies et perspectives en culture maraîchères en fraise. Journées Techniques : Fuits et Légumes biologiques, (p. 33). Angers.
Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. (2012, août 21). Récupéré sur https://agriculture.gouv.fr/protection-integree-principes-et-definitions
Tricault, Y. (2010). Paysage : quel impact sur les ravageurs et leurs auxiliaires ? Journées Techniques : Fuits et Légumes biologiques, (p. 39). Angers.