A la fin de ce printemps, d’étranges cocons ont été observés dans le terreau des pots de menthes de notre collection. Ces cocons faits de feuilles fraîches et formant un cône aux dimensions d’une phalange, étaient constitués de plusieurs feuilles savamment découpées en cercle (ici probablement celles d’un cornouiller poussant à proximité), puis enroulées et parfaitement refermées à l’aide d’un autre morceau cylindrique. A l’intérieur, après un épluchage des couches végétales, une bouillie jaunâtre et plutôt malodorante s’y trouvait, avec en son cœur, un minuscule ver blanc.
C’est après quelques recherches que nous avons découvert que l’intru-e était en réalité une larve d’abeille solitaire du genre Megachile. Ce genre comprend plus de 3000 espèces d‘abeille [1] « découpeuses de feuilles » [3], et à part quelques observations furtives d’individus adultes, seuls les cocons ont pu être observés au Conservatoire, ce qui ne permet pas d’identifier l’espèce exacte de notre intru-e. Fait surprenant, très peu d’insectes sont capables de déplacer des objets par la voie des airs [2]. Les nids des Megachiles demandent aux femelles un nombre important de feuilles, donc de déplacements [3].
C’est au printemps et à l’été que Megachile construit ses cocons en découpant des fragments dans des feuilles (tant que ces dernières peuvent être facilement roulées) grâce à ses puissantes mandibules. Elle dépose ensuite dans le cocon une fois formée une substance nutritive pour la larve qui s’y développera [2]. Les espèces végétales concernées sont diverses : rosiers, hortensias, hêtres, mirabelliers, cerisiers, robiniers, cornouillers, lilas, charmes ou encore tilleul. Les trous faits aux feuilles n’entrainent aucun dégât pour les plantes touchées, car ces derniers sont peu nombreux et la cicatrisation végétale a rapidement lieu [1]. La Megachile n’est donc pas un insecte occasionnant des dégâts aux plantes. Au même titre que l’ensemble des abeilles solitaires, elle est un acteur important, voire crucial, de la biodiversité, via son rôle de pollinisateur [1] ainsi que pour sa place au sein du réseau trophique, et par extension du régime alimentaire de nombreuses espèces animales [2]. Enfin, quand les abeilles domestiques et les papillons apprécient peu les températures fraiches de début de printemps et d’automne, ainsi que les températures matinales et de fin de journée, la Megachile, elle, s’accommode parfaitement à ces températures plus basses. Ainsi, son caractère précoce permet donc d’élargir la durée annuelle de pollinisation, ce qui font des papillons, abeilles domestiques et Megachiles, des pollinisateurs parfaitement complémentaires [1].
Sources :
[1] Au Jardin.info, Accueil > Fiches > Faune du jardin > Insectes > Les mégachiles, des abeilles coupeuses de feuilles : https://www.aujardin.info/fiches/megachiles-abeilles-coupeuses-feuilles.php
(consulté le 22/06/2022)
[2] EspacePourLaVie.ca, Accueil > Se documenter > Insectes et autres arthropodes > Abeilles, guêpes et bourdons > Mégachiles : https://espacepourlavie.ca/insectes-arthropodes/megachiles#cyc
(consulté le 22/06/2022)
[3] Philippe Boyer (2015) Abeilles sauvages. Editions ulmer, p. 123 – 128. ISBN : 9782841387335