Depuis deux ans le Conservatoire accepte des ruches sur ses parcelles, ce qui permet d’améliorer la production de semences. Echange de bons procédés : des floraisons à profusion pour une meilleure pollinisation.
Isabelle Thevenet, apicultrice, a installé 4 ruches au Conservatoire. Les abeilles peuvent ainsi profiter de la diversité des plantes présentes sur le site. Nous l’avons rencontrée pour vous faire partager sa passion pour les abeilles.
Quel a été ton parcours professionnel et comment en es-tu venue à devenir apicultrice ?
Mon parcours a commencé par un stage d’apiculteurs via l’association du GABI (Groupement d’Apiculture de Bréviande Intercommunal) à la maison de l’abeille à Melun. J’exerce cette activité en tant qu’amatrice ce qui me permet de ne pas avoir la pression de la rentabilité et de pouvoir m’occuper du rucher au plus proche de la vie « naturelle » des abeilles. J’essaye de faire en sorte qu’elles se nourrissent le plus possible avec leur propre miel et j’essaye de ne pas trop en prélever. Parfois je leur en redonne, comme cette année (ce qui donne un surcroit de travail afin de redonner à chaque ruche son propre miel pour des raisons sanitaires). J’essaye de limiter les apports extérieurs sauf en cas d’urgence comme cette année où beaucoup d’apiculteurs ont dû apporter du sirop en complément. Cette organisation me permet de ne pas mettre beaucoup de ruches au même endroit, de prendre le temps de les observer, et de ne pas créer de concurrence avec les autres pollinisateurs déjà présents dans la zone. Il me semble important de prendre le temps d’avoir du recul sur un équilibre faune et flore à respecter, le but n’étant pas que les abeilles domestiques diminuent la nourriture disponible pour les autres.
Qu’est-ce qui te passionne le plus dans ton travail ?
Ce qui me passionne c’est de les regarder évoluer ! Je peux rester très longtemps à les observer atterrir, communiquer entre elles mais surtout rien qu’en regardant de l’extérieur j’ai déjà des indices sur ce que je vais trouver à l’intérieur de la ruche et cela peut aussi m’alerter sur un potentiel souci (état de stress à cause de la présence de prédateurs comme le frelon asiatique, etc).
J’aime énormément leur côté mystérieux elles ont tellement de capacités particulières : on en découvre encore tant sur elles ! Une étude récente à démontré que les abeilles ont des capacités mathématiques y compris la notion de zéro (1), des formes élémentaires de soustraction et d’addition (2) ainsi que la capacité d’associer des symboles à des nombres (3) ! Leur capacité à utiliser le champ magnétique terrestre comme aide à l’orientation grâce aux cristaux de magnétite qui sont en elles me fascine tout autant !
Comment as-tu connu le Conservatoire ?
Suite à mon emménagement à Dannemois, aimant la nature et jardiner, ma famille et moi-même sommes rapidement venus visiter le Conservatoire. C’est pour cela que je me suis tournée vers le Conservatoire lorsque j’ai dû trouver un nouvel emplacement pour mes ruches, je me suis dit qu’elles seraient bien chez vous.
Es-tu fascinée par une plante ou un animal, et si oui pourquoi ?
Lorsque j’étais petite, j’étais déjà attirée par la nature. Je regardais beaucoup d’émissions à ce sujet. J’ai appris à apprécier des espèces que l’imaginaire commun à tendance à rejeter un peu comme la chauve-souris. Je n’étais pas attirée visuellement par elles mais elles sont très utiles car elles s’en prennent aux moustiques et aux chenilles processionnaires ; petit à petit j’ai appris à les apprécier. Je les regarde souvent les soirs d’été voler au-dessus de moi.
Un petit message général pour nos lecteurs ?
Si j’avais un conseil à donner aux lecteurs, je leur conseillerais de laisser des coins en friche dans leur jardin car ils abritent une grande diversité d’espèces animales et végétales. Le lierre, le trèfle, le pissenlit, la ronce sont de « mauvaises herbes » pour nous alors que pour beaucoup de pollinisateurs c’est l’inverse. N’hésitez pas à semer des prairies fleuries d’espèces locales et originaires de la région : comme il y a beaucoup de champs en monoculture, il y a de grandes périodes une fois la récolte effectuée où les pollinisateurs n’ont plus grand-chose à manger.
Petit conseil pour ceux qui souhaitent prendre une ruche, je conseille vivement de commencer par une formation même si c’est juste pour les laisser vivre tranquillement. Il faut tout de même pouvoir l’ouvrir en toute sécurité, comprendre leur fonctionnement, gérer les problèmes sanitaires comme des traitements anti-varroa (acariens parasite de l’abeille adulte et du couvain). Les faux bourdons étant acceptés dans les ruches autres que les leurs ils peuvent parfois véhiculer des maladies ou parasites. Il y a une multitude de supports disponibles sur Internet alors n’hésitez pas à en découvrir plus sur elles ! Et au niveau législatif une ruche ne s’implante pas n’importe où non plus.
Dernier petit message : je remercie beaucoup le Conservatoire et l’équipe super sympa de nous avoir accueillies moi et mes ruches !
(1) Scarlett R. Howard & al., 2018, Numerical ordering of zero in honey bees, ScienceAdvances https://www.science.org/doi/10.1126/science.aar4975
(2) Scarlett R. Howard & al., 2019, Numerical cognition in honeybees enables addition and substraction, ScienceAdvances https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aav0961
(3) Scarlett R. Howard et al., 2019, Symbolic representation of numerosity by honeybees (Apis mellifera): matching characters to small quantities , The Royal Society. https://doi.org/10.1098/rspb.2019.0238